dimanche 5 avril 2015

Il paraît que 52 % des Français et 70 % des Américains dorment mal le dimanche soir (enquête Monster, 2013). On appelle cela l'angoisse du lundi. L'angoisse du retour au travail, avec son cortège de stress et d'oppression.
Cela en dit long sur nos rapports au monde professionnel...
Dans un entretien avec Anne-Sophie Novel (Le Monde, 03/04/2015), Jacques Attali va même plus loin et explique qu'une société dans laquelle on n'a pas de plaisir à aller travailler le lundi est une "société aliénée", dénonçant au passage "l'échec de la société industrielle, qui n'a pas réussi à rendre créatif et valorisant le travail de chacun".

La société industrielle n'a pas réussi cela, en effet, et on ne peut pas dire qu'elle en prenne le chemin... L'homme est au contraire de plus en plus instrumentalisé par les nouvelles méthodes de "management", qui tendent à lui ôter chaque jour davantage sa dignité. Sa capacité d'initiative est tuée dans l’œuf, sa responsabilité réduite à néant, son intelligence, ses compétences méprisées. Il n'est plus qu'un objet sans importance, qu'on déplace ici ou là au gré des besoins ou des lubies de sa hiérarchie, qu'on jette dans des duels fratricides sous prétexte de saine émulation, qu'on maintient dans la crainte et la soumission par le recours systématique à l'arbitraire*, dont on use sans respect ni état d'âme avant de le mettre au rebut et le remplacer par un autre, prêt à avaler plus de couleuvres encore pour avoir le droit (!) de travailler. Le vocabulaire de la "gestion des ressources humaines" est lui-même assez éloquent en la matière.
L'on s'étonnera, ensuite, de la consommation excessive de psychotropes, ou du peu d'empressement d'une partie de la jeunesse à entrer dans le système.

Il y a deux siècles, nos ancêtres se sont battus pour qu'existe la République. Pour que les mots Liberté, Fraternité, Égalité, aient un sens.
Ils ont rasé la Bastille, symbole de la toute-puissance royale. Et nous nous laisserions enfermer à présent dans une forteresse plus redoutable encore ?

Un jour, il faudra bien qu'à notre tour nous trouvions le courage de mettre à bas cette société qui immole sur l'autel du profit l'immense majorité des uns au bénéfice exclusif d'une poignée d'autres.
Le courage de dire non, et d'oser le bonheur.

* Pour mémoire, l'arbitraire est la mise en pratique de l'absolutisme, de l'injustice ou de la tyrannie. Ce ne sont pas là des mots anodins...