lundi 21 décembre 2015

La concierge a parfois des doutes sur l'équilibre mental de ses congénères.

Lu dans Le Monde aujourd'hui : "Quel statut doit avoir un cordon ombilical après un accouchement ?"
Rapide coup d’œil au calendrier : nous ne sommes pas le 1er avril, donc ce n'est pas une plaisanterie. Ce que les premiers mots de l'article confirment aussitôt :
Selon une information de RTL, lundi 21 décembre, les parents d'une petite fille âgée de deux ans viennent de déposer une question prioritaire de constitutionnalité pour connaître l'avis de la justice sur l'utilisation faite des cordons ombilicaux par les hôpitaux publics. Ils dénoncent une violation grave de la liberté des personnes et de la vie privée dans la procédure actuelle. Un peu plus loin, on découvre qu'ils estiment avoir été abusés par l'hôpital.

Mazette, en effet, l'affaire est sérieuse, et mérite assurément le recours à un tribunal. Surtout à un moment où la justice ne sait plus où donner de la tête, entre délinquance et terrorisme.
Je dirais même plus : c'est absolument prioritaire !

C'est curieux, mais des violations graves de la liberté et de la vie privée, il me semble qu'on en subit tous les jours. Par le biais des caméras qui nous espionnent par exemple, ou des écoutes téléphoniques, ou encore de la surveillance de nos activités informatiques. Là, oui, j'avoue sentir l'ombre de Big Brother planer sur nous, et la menace d'un état totalitaire se profiler dangereusement à l'horizon.
Mais franchement, il ne me serait jamais venu à l'idée de me sentir gravement atteinte dans ma liberté et ma vie privée par l'absence de statut juridique du cordon ombilical de mes enfants - même si on peut légitimement s'interroger sur sa destination finale et une possible dérive commerciale.
Comme quoi la bizarrerie humaine est sans limites.
A moins que l'exploitation habile d'une petite faille du système n'autorise l'espoir d'un gain substantiel ?

La concierge a alors songé à tous ces parents dont les enfants, jeunes, beaux, intelligents, ont été anéantis par des rafales d'armes automatiques le mois dernier. Ces parents qui ont brutalement perdu ce qu'ils avaient de plus précieux dans la vie. Et qui vont devoir affronter leur premier Noël de parents "orphelins", au milieu des illuminations de rues, des pères Noël en toc, des ballotins et des civets qui se prélassent dans les vitrines joyeusement décorées.

Elle a pensé très fort à eux, puis à ceux-là, qui dénoncent une violation grave de la liberté des personnes et de la vie privée pour une histoire de statut du cordon ombilical. Ceux qui ont jugé indispensable de déclencher une procédure juridique pour ça.

Et elle en a eu la nausée.

mardi 15 décembre 2015

La concierge a un peu froid ces temps-ci.
Évidemment, me direz-vous, c'est l'hiver.
Mais jusqu'ici l'hiver est resté clément, lui...

Il en va tout autrement des hommes, ou du moins, de quelques uns d'entre eux. De la rhétorique haineuse à l'égard de ceux qui ne pensent pas comme eux aux lâches assassinats de jeunes gens désarmés dont le seul tort était d'être là, à ce moment-là, il n'y a qu'un pas que certains ont franchi avec une ardeur glaçante.

On aimerait pouvoir les rejeter de la communauté des hommes. On aimerait pouvoir s'en défausser, se dire qu'ils étaient différents de nous. A la rigueur fous, drogués, débiles profonds, que sais-je encore. N'importe quoi qui permette de les tenir à distance.
Le problème, c'est que cela nous est impossible. De même qu'Hitler était un homme, hélas, de même qu'il a trouvé d'autres hommes autour de lui pour accomplir sa besogne de mort, ces assassins abjects, méprisables, ne sont rien d'autre que des hommes. Et l'image de l'humanité qu'ils nous renvoient est insoutenable.

De là, sans doute, le sentiment de désastre, d'abattement, que nous éprouvons tous, au-delà de l'horreur et de l'émotion première. Ces jeunes souriants, brillants, heureux de vivre et d'aimer, qui ressemblaient tant à nos propres enfants, n'ont pas été assassinés par des extra-terrestres, mais par d'autres jeunes, emplis de haine et de jalousie ceux-là, que nous peinons à reconnaître pour nôtres.
Pire encore, pour certains d'entre eux ces monstres étaient issus de nos sociétés occidentales. Ils avaient fréquenté l'école de la République, l'école des Lumières...

Et pourtant.

Il est toujours rassurant de penser que l'ennemi vient d'ailleurs. De préférence, du plus loin possible.
Il est autrement terrifiant de découvrir qu'il se cache parmi nous.

dimanche 15 novembre 2015

Nous nous sommes battues pour porter le pantalon, partout et en toutes circonstances.
Elles se battent pour porter la burqa, partout et en toutes circonstances.

Nous nous sommes battues pour avoir la liberté d'afficher nos formes.
Elles se battent pour avoir la liberté de cacher les leurs.

Nous nous sommes battues pour exister.
Elles se battent pour disparaître.

Il y a forcément une erreur quelque part...

samedi 31 octobre 2015


Ville enclose, porte fermée
         La foule patiente
                                  piétine
                                            proteste

Ville enclose, porte ouverte
         La foule acclame
                                  accourt
                                            s'accroît

Ville enclose, porte fermée
         La foule piétine
                                  proteste

Ville enclose, porte ouverte
         La foule accourt
                                  s'accroît

Etc.

Grâce à Musset pourtant l'on sait,
Depuis longtemps désormais,
Qu'il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée.

mardi 23 juin 2015

La concierge n'est pas en vacances, non.
Elle n'a pas non plus démissionné.
Elle a juste cultivé pensées et soucis en rond dans son jardinet.
Avant de se dire qu'il était temps de passer à d'autres fleurs.

samedi 16 mai 2015

A la une du Monde, ce 16 mai 2015 à 16h53 :

Au Yémen, de violents combats malgré la trêve
A Montréal, des serres géantes sur les toits

Les deux brèves l'une derrière l'autre, ainsi, exactement.
Est-il vraiment besoin d'ajouter quoi que ce soit ?

dimanche 19 avril 2015

Lois liberticides, fichage de toute la population, caméras et puces électroniques omniprésentes, mise sur écoute de nos échanges même les plus anodins, surveillance sans cesse accrue du moindre de nos faits et gestes, les pouvoirs économiques et politiques ne reculent devant rien pour violer notre vie privée et perquisitionner jusque dans nos consciences.
Eux qui font de l'opacité un impératif indissociable de leur domination ont le front d'exiger de nous une transparence absolue, les premiers par rapacité, les seconds par besoin viscéral de tout savoir et de tout contrôler.

Quid de nos jardins secrets, alors ? Ce refuge où nous pouvons penser en toute liberté, rêver, aimer ou détester, être nous-mêmes enfin, et où personne n'entre sans y avoir été invité ? Que vont devenir nos chemins de traverse, nos échappées belles, nos révoltes et nos coups de folie ? Ne nous restera-t-il donc que le recours à l'autocensure pour avoir la paix ?

Nous avons tous besoin de cet espace intime. C'est une des conditions de notre équilibre, de notre bien-être. De notre sécurité mentale, affective, psychologique.
Y renoncer, l'abandonner aux mains d'individus ou d'organismes aux intentions plus que suspectes, fût-ce au nom de la lutte contre le terrorisme, c'est accepter notre aliénation et nous soumettre au totalitarisme tel que défini par Hannah Arendt. *

"... quand il y va de la conscience, de la pensée, de l'existence intérieure, abdiquer le gouvernement de soi-même, se livrer à un pouvoir étranger, c'est un véritable suicide moral, c'est une servitude cent fois pire que celle du corps..." François Guizot, Hist. générale de la civilisation en Europe, 1828.
Que l'on approuve ou non son œuvre politique, il faut bien admettre qu'en tant qu'historien Guizot nous administre ici la preuve de sa clairvoyance.

* Le totalitarisme selon Hannah Arendt n'est pas un régime politique mais un système dans lequel l’État a investi toutes les sphères de la société au point d'abolir la distinction entre public et privé.

vendredi 10 avril 2015

"Êtes-vous un humain ?" me demande, sans rire, mon ordinateur.
Il faut dire que mon ordinateur n'a pas beaucoup d'humour. Il sait exécuter un nombre de tâches qui dépasse l'entendement - qui dépasse le mien en tout cas -, mais il ne rit jamais. Comme quoi, mon cher Rabelais...
C'est donc avec un sérieux imperturbable qu'il me pose cette question, "Êtes-vous un humain ?". Et pour me permettre de le prouver il me propose un fouillis de lettres et de chiffres mal dessinés que je suis censée reproduire dans le rectangle prévu à cet effet.
J'en déduis que mon humanité se définit par ma capacité à copier ou non un modèle de cinq signes.
En d'autres termes, pour me reconnaître comme appartenant au genre humain, on exige de moi une simple imitation, ce qu'un singe ou un perroquet, chacun à sa manière, réussit parfaitement.
Un comble.

dimanche 5 avril 2015

Il paraît que 52 % des Français et 70 % des Américains dorment mal le dimanche soir (enquête Monster, 2013). On appelle cela l'angoisse du lundi. L'angoisse du retour au travail, avec son cortège de stress et d'oppression.
Cela en dit long sur nos rapports au monde professionnel...
Dans un entretien avec Anne-Sophie Novel (Le Monde, 03/04/2015), Jacques Attali va même plus loin et explique qu'une société dans laquelle on n'a pas de plaisir à aller travailler le lundi est une "société aliénée", dénonçant au passage "l'échec de la société industrielle, qui n'a pas réussi à rendre créatif et valorisant le travail de chacun".

La société industrielle n'a pas réussi cela, en effet, et on ne peut pas dire qu'elle en prenne le chemin... L'homme est au contraire de plus en plus instrumentalisé par les nouvelles méthodes de "management", qui tendent à lui ôter chaque jour davantage sa dignité. Sa capacité d'initiative est tuée dans l’œuf, sa responsabilité réduite à néant, son intelligence, ses compétences méprisées. Il n'est plus qu'un objet sans importance, qu'on déplace ici ou là au gré des besoins ou des lubies de sa hiérarchie, qu'on jette dans des duels fratricides sous prétexte de saine émulation, qu'on maintient dans la crainte et la soumission par le recours systématique à l'arbitraire*, dont on use sans respect ni état d'âme avant de le mettre au rebut et le remplacer par un autre, prêt à avaler plus de couleuvres encore pour avoir le droit (!) de travailler. Le vocabulaire de la "gestion des ressources humaines" est lui-même assez éloquent en la matière.
L'on s'étonnera, ensuite, de la consommation excessive de psychotropes, ou du peu d'empressement d'une partie de la jeunesse à entrer dans le système.

Il y a deux siècles, nos ancêtres se sont battus pour qu'existe la République. Pour que les mots Liberté, Fraternité, Égalité, aient un sens.
Ils ont rasé la Bastille, symbole de la toute-puissance royale. Et nous nous laisserions enfermer à présent dans une forteresse plus redoutable encore ?

Un jour, il faudra bien qu'à notre tour nous trouvions le courage de mettre à bas cette société qui immole sur l'autel du profit l'immense majorité des uns au bénéfice exclusif d'une poignée d'autres.
Le courage de dire non, et d'oser le bonheur.

* Pour mémoire, l'arbitraire est la mise en pratique de l'absolutisme, de l'injustice ou de la tyrannie. Ce ne sont pas là des mots anodins...

mercredi 1 avril 2015

Depuis que les tristes débris d'un avion jonchent la montagne de Barcelonnette, je lis et entends partout l'affirmation suivante : "Le copilote était un jeune homme sans histoire."
Un jeune homme sans histoire.
Certes, je comprends ce que la formule signifie ; néanmoins la réalité qu'elle recouvre m'échappe un peu. Comment peut-on être sans histoire ?
Une page blanche est sans histoire - et encore, si l'on interrogeait le papier, il aurait sûrement des choses à nous raconter.
Mais un homme ? Un être humain, sans le moindre évènement dans sa vie, ni peine ni joie ni douleur ni plaisir ? Rien de rien ? Le néant, une existence de caillou au milieu de nulle part ?
Encore que, si l'on interrogeait le caillou...

dimanche 29 mars 2015


Jour faste, ce dimanche. Deux bonnes raisons au moins de s'agiter dans les chaumières.

Passage à l'heure d'été. Aïe, ma brave dame... Ça dérègle mes vaches, mon chat, mes enfants, patin-couffin.
Et un raton laveur, un.
Lequel doit sa notoriété à l'ami Prévert qui en fit le leitmotiv que l'on sait, et son nom à la manie qu'il a - en apparence du moins - de laver ses aliments avant de les manger. En réalité, c'est parce qu'il se nourrit entre autres de petits animaux aquatiques qu'il plonge ses pattes dans l'eau.
Bref, un charmant mammifère supposé un peu maniaque quand il n'est que gourmand. Comme la concierge en somme. Sauf qu'elle sévit plutôt dans les cours d'immeubles que dans les cours d'eau. Question d'opportunité je suppose.

Restent les départementales. Nul doute qu'il y aura de nombreux débats ce soir autour des résultats, chacun s'efforçant, à grand renfort de langue de bois, de minimiser ses échecs.
Pour ma part, c'est Jean Yanne que je préfère écouter.

vendredi 27 mars 2015

Cabu, Wolinski. Et Bernard Maris, dont l'accent et les emportements rendaient l'économie presque sympathique.
Je n'écoute plus France-Inter le vendredi matin.
Et les économistes ont recommencé à m'ennuyer.

mercredi 25 mars 2015

En principe, lorsque la concierge est dans l'escalier, c'est qu'elle n'est pas là. Ou plus exactement pas là où vous espériez la trouver.
Planté, bredouille, devant la porte fermée de sa loge et du petit écriteau qui vous rit au nez, vous vous interrogez. En a-t-elle pour longtemps ? Je monte ou je l'attends ?
La chaise un peu ancienne qui bavarde avec le paillasson devrait suffire à vous répondre.
Car lorsque la concierge n'est pas au rez-de-chaussée, c'est qu'elle joue à la marelle sur le palier du troisième, à chat perché sur la rampe d'escalier, ou qu'elle partage le goûter de la dame du premier.
La concierge est imprévisible, mieux vaut en prendre votre parti.